
Bonjour messieurs, ici Lucienne, 74 printemps, dont au moins 60 passés à dire ce qu’elle pense et à mettre du beurre salé dans tout, ancienne bibliothécaire, actuelle chasseuse de rats mutants (quand il le faut) et fière propriétaire d’un bunker propre, cosy, et sans spores visibles.
J’ai survécu à trois guerres, deux pénuries de papier toilette, et à mon ex-mari (paix à son âme, ou pas). Je sais faire du feu avec un miroir de poche, reconnaître les champignons comestibles (dans 20% des cas), et je garde toujours une boîte de raviolis d’avant l’effondrement pour les grandes occasions.
Je ne fume pas, sauf quand je fais cramer les crêpes. Je ne bois que du vin rouge (par politesse envers le raisin). Je suis vaccinée contre tout, y compris les hommes en chaussettes dans les sandales.
Je cherche un compagnon de route (et de dodo, soyons honnêtes) avec un bon sens de l’humour, un filtre à eau potable, deux genoux fonctionnels et avec toutes ses dents (ou au moins une bonne colle), pour partager des balades, des souvenirs, et peut-être plus si le cœur dit oui et les hanches suivent.
J’accepte les cicatrices, les bras en moins, voire les mutations.
Et si tu n’as pas le cœur à flirter, pas grave. Je cherche aussi du monde pour marcher un bout, éviter les ruines, rigoler un peu. Parce qu’à deux ou trois, on a plus de chances de repérer les pièges, les radiations… ou les champignons douteux.
Alors viens. Promis, je ronfle pas. Enfin, pas fort.

Bah alors, les gars ? Faut pas faire les timides ! Elle marche pas ma radio ou quoi ? Ou c’est mon âge qui vous fait fuir ?
Grésillement dans le micro. Puis Lucienne reprend, avec ce ton de mamie qui rigole mais vise quand même un peu la jugulaire.
Vous devriez savoir qu’avec l’âge, on a de l’expérience. Des genoux un peu rouillés, peut-être, mais les mains sûres. Et puis bon, si t’es pas Brad Pitt et que tu veux pas dormir avec moi, c’est pas grave hein, j’me remettrai. T’inquiète pas pour ça, mon cœur il est solide, il a survécu à Jean-Michel et à la grippe du rat-pigeon.
Petit soupir faussement dramatique.
Moi, c’que je veux, c’est pas finir toute seule alors que j’ai encore des tonnes d’histoires à raconter. Et pas trois fois la même, j’radote pas — enfin pas trop. J’ai encore assez de jus pour te coller une raclée au Scrabble, faire une partie de belote sans pioncer, et danser la java si j’ai pas trop mal au dos.
Pause. Puis, plus doucement :
Alors voilà. Si t’as un bout de chemin à faire, un peu d’humour et pas peur de mes cheveux blancs… appelle moi. Même si c’est juste pour jacter, marcher, ou éviter les trous radioactifs. À deux, trois, quatre c’est moins dangereux. Et plus marrant.