Un fracas. Titouan s’est vautré sur la radio en accostant, et paf, elle se rallume comme un vieux poste qui reprend vie. Le teenagers, habile comme un lapin fraîchement sorti de son terrier, bondit hors du bateau : l'arme à la main, la crête au vent.
Les doigts tremblants sur la crosse d’un vieux double canon, il le claque pour faire genre, pour se donner une contenance, et surtout parce qu’il galère un peu à le verrouiller. C’est la première fois qu’il touche à ça. Mais l’appel du chaos, ça, il connaît.
Alors il lève le fusil, vise sans hésiter la silhouette sans visage : cette une Trinidadienne, et presse la détente, comme s’il tirait sur les règles du monde lui-même.
— Hasta la vista baby !
Titouan c'est le genre de môme à peine sorti de l’enfance mais qui balance des répliques cultes comme s’il avait grandi dans une cinémathèque entre Godard à Gergman.
Il avait vu ça dans un film, ça lui avait grave plu, le héros qui tire sans ciller, classe et précis.
Sauf que là, surprise : le recul, c’était pas du cinéma. À peine la gâchette pressée, il se fait catapulter en arrière comme un pantin désarticulé, s’écrase contre la coque du bateau dans un bruit pas très glorieux.
Mais, par un miracle de la physique ou de l’arrogance juvénile, il avait visé juste. En plein dans le mille. Entre les deux yeux, ou ce qui en tenait lieu. Un trou net, gros comme un doigt à l’entrée… une main entière à la sortie.
À moitié sonné, il se redresse en titubant, balance son fusil sur l’épaule avec un geste qui se veut cool (mais qui trahit encore un peu la tremblote), et lâche en l’air, comme un cowboy.
— Putain… c’est mieux qu’en VHS !
Il récupère ce que portait le cadavre, au moins, ça finira pas dans la Sud. Puis il remonte vers Drefal, le torse gonflé, triomphant.
— I’ll be back !
Qu'est ce que t'as toi ! Tu veux ma photo ?