On ne court jamais assez vite.

Chapitre débuté par Nardin

Chapitre concerne : Survivalistes autogestionnaires, Nardin,

Ce texte vaut 4 bières !

Dans les montagnes, les petits groupes de survivants s'organisent, on s'entraide, on se dépanne. Malgré les individualités parfois détonantes, tous ceux qui restent partagent l'idée qu'ils auront besoin les uns des autres.

 

Les environs révèlent des vestiges du passé, on s'organise, qui doit y aller ? quel est l'intérêt pour le groupe ? Les discussions sont parfois animées autour du feu, l'autogestion, le partage sont des combats.

 

C'est Nardin qui repère le voyageur, noir de peau, rapide, il récupère au pas de course les différents artefacts, c'est le jeu. Du commerce est envisagé, des vivres contre quelques objets qui pourraient se révéler utiles pour des survivants démunis. On parle par radios interposées, on marchande. Les choses avancent et l'échange paraît sur le point d'aboutir.

 

Mais au matin, lorsque le vent du désert découvre de nouvelles reliques, l'un d'eux s'équipe et part affronter la solitude de la marche. Le coursier est plus rapide et commence sa tâche de ferrailleur.

 

Dans le groupe, la colère monte. Ils manquent de tout et celui là leur enlève les biens qu'il cherchera à leur vendre. Le patrouilleur survivaliste s'approche, le noir est encombré, tant il est chargé de stocks improbables et presque tous inutiles. La radio crépite. Certains ont les yeux plus gros que le ventre, tandis que celui des autres gargouille. On discute, on piétine, on vote.

 

La majorité s'établit rapidement, celui ci aurait dû fouiller d'autres lieux, s’approprier le bien collectif, c'est un crime quand il faut rester solidaires. Peu habitués à ce genre de besogne, les volontaires se préparent. Des bouteilles de bière périmées et sans bulles passent de main en main.

 

A la tombée du jour, ils se mettent en marche. Le noir est toujours occupé à déterrer ses trouvailles qui forment un tas conséquent autour de lui. Sans un mot on s'approche.

 

Pas besoin de phrases, pas d'explication. Le vieux sort son lance pierre, vise et tire. Le noir s'effondre, les autres sautent dessus et le frappe de ce qu'ils tiennent en main. Il ne bouge plus, ses affaires sont réparties de façon équitable, on ramènera ce qu'il reste aux autres groupes de survivalistes.

 

Le pacifisme a pris un coup, mais entre l'individu et le groupe, le choix est fait.

 

Le corps est recouvert de pierres et au charbon, sur une planche vermoulue quelqu'un écrit.

 

KEMAL coursier solitaire, rapide comme l'éclair.

Le lion était une antilope à la panse de rhinocéros

Sa cupidité le perdit.

 

 

 

Ce texte vaut 5 bières !
Ce qui est pratique avec l'Histoire, c'est qu'elle est écrite par les vainqueurs. Ils s'y attribuent souvent le beau rôle, parfois embellissent le tableau, quelques fois offrent une élégie à leurs adversaires déchus dans le but de donner plus de valeur à leur propre victoire. Mais ces récits glorieux trouvent par occasions quelques voix dissonantes venant mettre à mal le caractère unilatéral du propos vertueux.

Mirage, nom d'emprunt pour un oiseau de passage, ombre parmi les ombres, mirage sur l'horizon, était l'une de ces voix. Voyageur isolé, il trainait ses guêtres entre les sommets et les renfoncements des reliefs. Voguant sans but, sans attentes.

Quelques messages radiophoniques lui parvenaient de temps à autre. Tantôt des fariboles absconses et sans intérêts venues des grandes ondes. Et puis parfois des messages plus... proches. Géo-localisables...

D'abord celui d'un homme à l'accent prononcé. Certainement originaire d'Afrique centrale. Une rapide triangulation le localisa sur le versant opposé. Un petit feu confirma une présence.
Le ton du dénommé Kemal fit sourire Mirage. Sa petite entreprise de prospecteur lui donnait un côté burlesque et un peu pathétique, le genre de phénomène de foire que l'on ne pensait plus revoir suite à l'Apocalypse. Mais Mirage n'avait pas à cœur de juger la forme, car dans le fond, ce Kemal se montrait tout simplement plus actif et entreprenant que lui. Il accorda donc un refus poli à ses inclinaisons marchandes (un bien beau fourbi qui n'aurait aucun mal à trouver preneur), une bonne route et une chance de bon aloi pour la suite.

Deux autres personnes se firent ensuite connaître par voix radiophonique. Appartenant visiblement à la même bande, les deux hommes offraient un package éculé de promesses de coopération, de survie et de vivre ensemble. De belles sirènes en quête de marins assez stupides pour les écouter. Le premier des deux hommes, un vieil estafier, se situait en contre-bas, dans un large défilé sinuant entre les haut-reliefs. Le second était hors de vue. Probablement proche mais on aurait pu en jurer.
Faute de certitudes et donc par la même méfiant, Mirage opta pour une solution toute simple : garder le silence et rester sur son perchoir. De là il pourrait continuer à observer la suite des évènements et prendre une décision une fois davantage d'informations accumulées.
Lorsqu'il vit notre ami africain descendre dans la vallée pour se porter au devant du vieil homme, il se doutait que l'Histoire allait prendre une saveur somme toute savoureuse. Une caisse aux reflets scintillants venait d'y émerger. Cette apparition avait des allures de belle galette fumante attirant les mouches.

L'attitude des deux hommes fut... dissemblables. Si Kemal apparaissait comme ravi de pouvoir offrir ses services et marchander ses ressources durement récoltées en arpentant les reliefs escarpés du coin, le vieil homme quant à lui adoptait une approche plus mijaurée, voire suspecte. Mirage soupçonnait anguille sous roche. Certains voient d'un mauvais oeil que le voisin viennent rapiner les trésors des anciens temps sur ce qu'ils considèrent comme leurs territoires.
L'alerte fut vite confirmée. Deux autres silhouettes apparurent au sud-est du défilé pour le remonter au petit trot vers le vieux bonhomme et Kemal. Ce dernier ne semblait pas voir venir la menace. Mirage serra un peu les dents et offrit un sourire sardonique à la muse du destin.


- Pas possible d'être aussi con... Dégage crétin, siffla-t-il entre ses lèvres.

À peine avait-il énoncé l'évidence, le duo venu du Sud, composé d'un punk à crête rouge (Mirage en conclut que ce devait être lui qui l'avait contacté par radio) et d'une espèce de bonne femme un peu forte, se ligua avec l'ancêtre pour ratonner le negro tout nigaud. Ce grand mariole leur avait même fait de grands signes de bienvenue avant de commencer à étaler ses marchandises pour son commerce.

La vie n'est pas tendre avec les naïfs et les simplets.

Mirage avait ses réponses. Il fallait mettre les voiles avant que le trio de pillards ne lorgnent un peu trop dans sa direction, et surtout... sur ses propres découvertes. Son poste d'observation montagneux difficilement accessible lui offrait une certaine sécurité mais il ne faudrait pas se montrer trop hardi.

Il se permis toutefois de répondre enfin aux sollicitations des pillards en des termes plutôt familiers. Pas vraiment pour jouer sur leur état de conscience -la moralité et le regret ne  sont pas des traits communs chez l'espèce- mais davantage pour leur signifier qu'un témoin avait assisté à toute la scène. Et que dès lors, leur petit manège était éventé. Maigre consolation, mais c'était là la seule chose que Mirage pouvait faire : donner un peu plus de contexte à l'Histoire.

Il prit donc la poudre d'escampette sans demander son reste. Offrant quelques mots aux quatre vents pour le souvenir d'un grand coursier un peu brelôt, victime de la cupidité des hommes.