Vous êtes restés, tous et toutes, agents du Chaos, agents du Néant, et agents de la Lumière, sans nouvelles de l'Héraut du Chaos pendant plusieurs jours. Des rumeurs ont commencé alors à grandir. Parfois même mêlées à des certitudes. Le manque insupportable s'est ainsi ténue. Laissant au fil des jours, comme un bruit sourd au fond de votre âme. Un sentiment désagréable pour les uns, un réconfort chaleureux pour les autres, une indifférence totale pour quelques être inatteignables. Pourtant, tandis que vous pensiez que ce canal était coupé pour toujours, que la farce et l’hilarité était terminée, que l’exaltation et la joie d’un monde encore vivant était perdu pour toujours, votre radio se met alors de nouveau à grésiller. D’abord du bruit, sans saveur, mais cela dure. Impossible de changer de canal. Puis, un larsen, qui vous perce les tympans. Cela dure deux trois secondes et le silence. Une respiration. Puis une deuxième. Et une voix, éraillée, que vous reconnaissez avec cœur, avidité ou colère, retenti. Elle a des choses à vous dire.
— Il y a des gens qui s’amusent. Il y a des gens qui trépignent. Il y a des gens qui, eux, s’ennuie. Car ils comprennent que c’est la fin. Et ils abandonnent. Encore et toujours. Et parfois, ils sont pris d’un mal incompréhensible, perdent leur caractère, vont se perdre dans le désert et… PAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAF. Une bastos dans le crâne. Les rigolos hilarants du sud ont fait monter leur score. Dommage qu’on continue de les battre à ce jeu là.
De nouveau, un silence s’installe. Encore des railleries sur vous les sudistes, la rigolade peut recommencer ? L’hilarité générale sur celui qui ne vous comprend pas et que l’on croit mort ? Alors, quel est donc cet sensation étrange qui vous parcourt l’échine. Mais pour vous, gens du nord, vous sentez qu’il manque une information cruciale. Comment cet homme peut-il prétendre être celui dont vous venez à peine de faire le deuil ? Mais, l’a-t-il seulement prétendu ? C’est une bonne question que vous vous posez là. Mais ce n’est que de courte durée, voilà bientôt les réponses. Ou presque. La voix éraillée reprend, dans un calme froid et pesant.
— Rob Mayne… Ecraser une carcasse sans défense avec un Land Rover, c’est tout de même assez déloyal pour un vétéran. Où est donc passé ton honneur de soldat ? En as-tu seulement déjà eu ? Emportant avec toi mon ombre, ma si belle ombre… Celle que vous nommiez Voltage.
Un bruit blanc vient de nouveau couvrir les ondes de la radio, coupant quasiment les derniers mots de votre Héraut.
— Heureusement, elle m’appartenait déjà.
Le bruit se faire plus fort, plus assourdissant. Vous en avez mal aux tympans.
— Calme toi mon ombre. Vous voyez, j’ai bien peur qu’il ne lui reste que de la colère. Comme celles des gens de la Kabane qui ont perdu leur allié, Icorpora. Cet homme était si innocent. Le Chaos emporte tout Rob. Même les plus purs. Faisant donc de toi mon dixième agent reconnu. Tu n’avais de ce fait rien prémédité ? Rejoindre mes rangs auraient été bien plus simples si seulement tu avais répondu à ses mots. Monsieur Falred était une coquille sympathique et voilà que vous vous retrouvez maintenant avec moi… C’est fort regrettable. Hé hé hé.
Vous ne vous y trompez pas. La voix est identique. Vous retrouvez alors vos sensations d’avant. Celles qui vous envoutaient, celles qui vous faisaient perdre la raison, ou celles qui provoquaient chez vous une hilarité sans bornes, sans doute un brin nerveuse, car proche d’une sensation refoulée que vous ne pourriez supporter. Derrière le bruit blanc, vous entendez les miaulements d’un chat. Faible. La voix retenti de nouveau, mais beaucoup plus lointaine, derrière le bruit. Elle chante alors.
— C’est l’amère Michelle qui a perdu son chat… Qui crie dans la ruelle, personne ne répondra… « Qu’a-t-il fait son matou ? » demande-t-on tout bas… « On l’a vu sans sa peau, jeté dans un grenat. »… L’amère Michelle pleure, mais nul ne l’entendra… Car elle n’a plus de face, sous son pauvre foulard…
Vous entendez une respiration, un nouveau miaulement aigre, et le chant reprend…
— Elle gratte aux portes closes, et cherche à chaque pas… Un reflet, une ombre, un écho de son chat… Mais dans la nuit qui tombe, on n’entend que cela… Un rire sans visage, qui fredonne tout bas…
Votre radio se coupe alors. Dans un silence tonitruant.
J'ai nom Légion; parce que nous sommes plusieurs.
— D.