Journal de Catusya Benneth ;

Chapitre débuté par Catusya Benneth

Chapitre concerne : Catusya Benneth,

Ce texte vaut 5 bières !

Je marche beaucoup et j'ai du temps à tuer, du coup j'ai commencé à écrire un journal. Je ne sais pas si c'est utile mais ça me fait du bien de coucher les mots sur ses pages comme pour laisser derrière moi une preuve de mon existence, bref je commence aujourd'hui :
 

Le journal de Catusya Benneth ;
 

J'ai du mal à me souvenir de tout ce qui s'est passé avant, pourtant ce n'est pas si loin. Mon subconscient semble comme flouter certains passages de ma vie, comme si cette vie-là n'avait jamais existé, comme si ce n'était qu'un rêve, peut-être pour m'éviter de partir à la dérive.

Certes le monde dans lequel j'ai grandi n'était pas parfait mais j'avais mon boulot, mon confort, mes amis. Une petite vie bien calibrée qui me rendait heureuse. Mon boulot m'apportait la nouveauté, le danger, la droiture et la rigueur, des vies dépendaient de mon savoir-faire. Alors que chez moi, je glandais, je geekais avec les copains et je me déguisais pour partir jouer un gobelin pendant plusieurs jours. Haha... Quand j'y repense, ma vie privée et mon taf étaient tous deux aux antipodes mais c'est sans doute ce qui me donnait cet équilibre et ce plaisir à occuper mon temps libre de cette manière.

J'ai toujours été très curieuse, dès qu'un truc me faisait envie, je testais sans même réfléchir, après tout on a une vie comme disait ma grand-mère. Ah ma grand-mère, elle était... une vraie connasse à dire vrai, un dragon, du sel dans une plaie. Toujours à critiquer et à taper là où ça fait mal. Je me demande si elle a survécu à tout ça, possible vu la vieille carne que c'est. Je ne serais pas étonnée de la croiser entrain de taper sur un pauvre mec avec sa canne en l'insultant. Elle m'en a fait verser des larmes mais comme on dit, on ne choisit pas sa famille. Avec une mère pareil pas étonnant que mon père putatif s'est tiré une balle. Bref c'est du passé ça aussi.

Bon ! Revenons en au présent. Je suis dans une montagne avec quelques pauvres mecs zombifiés qui semblent avoir abandonné tout espoir. Hors de question que je finisse ainsi, certes c'est l'apocalypse mais tel le cafard, je suis encore de ce monde et je compte bien le rester. J'ai réussi à me faire un genre de poing américain avec de la ferraille ramassée sur la route, le premier qui m'approche de trop prêt, je lui éclate le nez. Parce que ouais, je ne suis pas très très rassurée avec le peu des gens que j'ai croisées. À croire que les seuls qui ont survécu font partie de la pire lie de l'humanité, ils devaient déjà être en pleine déchéance avant tout ça. Ou alors ils se sont pris trop de trucs sur le crâne et ont perdu toute lucidité. J'ai même croisé un putain de black qui imitait un cochon en se dandinant et en riant... Putain c'était... haha, en fait ça m'a fait rire, peur un peu hien, mais bien rire en fait. Je crois que cette image va rester graver au fond de mon esprit pour un bon moment.

C'est à ce moment que j'ai commencé à bidouiller la radio afin d'essayer de voir s'il restait des gens aussi sain d'esprit qu'il est possible de l'être dans ce merdier. Et vous savez quoi ? On est dans une merde... Entre un mec qui se prend pour Jim Jones ou Sun Muyng Moon en parlant d'un oasis de paix métaphorique, un viel échappé d'une prison russe et le gang des capuches... Bordel de merde, on n'est pas rendu ! Quelque part c'est à la fois flippant et terriblement attractif que de regarder la déchéance humaine se mélanger avec des gens un peu plus lucides et droits. On sait tous qui va finir par gagner, la droiture c'est bon pour le moral et ça rassure quand on se regarde dans le miroir le matin, mais ce n'est pas ça qui fait que t'aura à bouffer dans ton assiette ou que tu sera en sécurité. J'espère pas devenir une dangereuse psychopathe hein, mais je ferais ce qu'il faut pour survivre.

Et puis sur les ondes parfois on a de bonnes surprises, enfin pour l'instant c'est une bonne surprise mais qui vivra verra. La joie de vivre et le jambon, y a pas trente-six recettes du bonheur ! J'ai peut-être trouvé des compagnons de route, enfin si j'arrive à les rejoindre, c'pas gagné encore.

Ce texte vaut 5 bières !

Le silence. Le vrai silence, celui qui s'insinue profondément jusqu'au tréfonds de notre âme.

Je ne pensais pas le découvrir un jour.
 

Le bruit de la ville me manque, il avait ce quelques choses d'agassant mais de rassurant alors que maintenant... Le silence envahit la nuit tel le néant, oppressant, dérangeant. J'ai passé une partie de ma vie toute seule mais je n'ai jamais ressenti une telle solitude, j'avais toujours cru que cela m'apaiserait mais c'est loin d'être le cas, malgré le paysage mirifique, les montagnes à pertes de vue, le ciel étoilé si proche qu'en tendant la main nous pourrions presque cueillir les étoiles.
 

Je suis allongée sur un morceau de roche à l'abri du vent, le silence empli ma tête, m'empêchant de dormir, de rassembler mes esprits, le silence est oppressant alors qu'une tempête tumultueuse est à l'oeuvre à l'intérieur de mon crâne, j'ai envie de hurler, de déchirer l'air d'un son si fort, d'un son salvateur, rassurant, omnipresent.
 

Puis le jour se lève. Il faut avancer, ne jamais s'arrêter trop longtemps, marcher encore et encore en suivant les crêtes escarpées, la boussole sans cesse à l'oeil pour ne pas perdre de temps. Marcher jusqu'à ne plus en pouvoir, marcher pour tenter de survivre malgré les excentricités du destin qui semble me regarder, moqueur, galérer dans cette immensité rocheuse.
 

Et puis viens ce moment rassurant, cet instant choyé où la pause est nécessaire et la radio de sortie. Enfin du bruit, des grésillements, des voix, sa voix ! Je contacte mes alliés, je m'organise, essayant de guider ceux qui ne vont pas tarder à me rejoindre quand nous aurons tous retrouvé notre chemin dans ce dédale de pierre. Je n'ose plus la sortir lorsque je marche, j'ai bien trop peur qu'elle se brise et emporte avec elle mes espoirs pour ne me laisser que le silence et le désespoir.
 

Je dois chasser les idées noires et pour ça, rien de mieux que de discuter sur les ondes, de plaisanter, de nouer de nouvelles amitiés. Une en particulier me fait vibrer, m'apporte l'espoir, le courage de continuer à marcher, de continuer à me battre, une raison de plus de survivre. Il faut dire que la moindre bribe d'espoir est vital.
 

Il me serait tellement facile que de sauter du haut d'une falaise, voler quelques secondes avant que tout s'arrête. Mais je ne suis pas lâche, je ne suis pas du genre à baisser les bras, comme je me plais à le dire, je suis tel le cafard, et les cafards ça survit à tout ! Alors oui, je vais survivre et tous les jours je m'accroche à ce moment de légerté, de douceur, de promesses, où je partage des instants volés d'humanité.
 

Il faut que je me reprenne, je vais ranger mon journal, me lever et hurler à plein poumon que j'emmerde le destin, que j'emmerde le monde et que je vais survivre par n'importe quel moyen !

Ce texte vaut 6 bières !

Bordel, j’en peux plus de ces foutues montagnes, c’est vraiment la merde... Margot a réussi à reprendre la marche, elle est sur l’autre versant des falaises, bientôt nous pourrons nous réunir et reprendre la marche tous ensemble. J’ai été contacté par deux autres survivants à qui j’ai donné le même point de rendez-vous. C’est dans quelques jours, plus que quelques jours de marches et nous serons, enfin, tous sortis de cet océan de piques et de roches.

 

Nous marchons tous, la radio crache des informations, la plupart inutiles, mais ça fait de la compagnie. Je suis même tombé sur de la musique... Bon ça a l’air d’être des vieux trucs d’avant ma naissance, mais c’est toujours mieux que le silence. Enfin la plupart du temps, bref !

 

Je peux voir le point de rencontre plus bas, une station de métro, la fin du voyage, de ce voyage est presque palpable, presque à portée de main. Encore un ou deux jours de marches pour descendre et ce sera bon. Mais c’est sans compter sur les affres du destin qui se fait sacrément joueur...

 

Une roche instable au détour du sentier ...

 

J’ai réussi à ramper jusqu’à ce qui ressemble à une mine. Bordel, rien n’a fonctionné comme prévu ! Je viens de me casser une jambe en tombant de la falaise, j’ai dû m’assommer, car quand je me suis éveillée, j’ai vu le corps de Margot sans vie, la gorge tranchée... Putain pauvre petite blonde ! La naine et le cuistot qui devaient nous rejoindre semblent se tenir non loin, je n’ai rien vu... J’espère que... De toute façon je ne peux plus rien faire, je dois essayer de trouver des médicaments, putain, je pisse le sang...

 

Le cahier gît à présent dans une mare de sang, les pages se teintent, effaçant lentement les souvenirs de Catusya, ne laissant que quelques bribes de son histoire à peine lisibles. Un vestige d’une vie qui disparaît comme tant d'autres avant elle.